En voyant la pièce mise en scène par Declan Donnellan aux Gémeaux à Sceaux, par une troupe russe de Moscou, en russe donc, surtitré en français, on est un peu perplexe, voir en France un grand metteur en scène britannique faire jouer Shakespeare par des acteurs russes, ça fait un beau méli-mélo. Que reste-t-il de tout ça ? Pas grand-chose, on s’endort un peu à force de ne rien comprendre des mots, et d’avoir toujours l’oeil fixé sur le texte qui défile en français, au lieu de l’avoir sur les acteurs et la mise en scène. Elle est très belle pourtant, cette mise en scène, avec des images projetées derrière sur grand écran, images de vagues, de bateaux, d’îles et de tempête bien sûr. Et les acteurs ne sont pas en cause, ils sont jeunes et magnifiques, parfois nus comme dans tant de mises en scène modernes. Une mention spéciale pour l’actrice qui fait Miranda, superbe, et pour le comique qui joue le rôle d’un des deux bouffons, Trinculo. Ariel est un peu fade, Caliban, classique, un monstre bonasse ; le physique de l’acteur, un genre de Tarass Boulba, convient parfaitement.
Reste à chercher les morceaux de bravoure dans les surtitres de cette grande pièce de Shakespeare, une des plus belles, une des rares qui finit bien. En regrettant Michel Duchaussoy, un parfait Prospero, dans une mise en scène des années 1990 à la Criée, avec un Ariel et un Caliban tous deux formidables. Florilège des passages les plus connus de La Tempête :
Hell is empty,
And all the devils are here.
Ariel, décrivant la tempête initiale, Acte I, scène 2
This island’s mine, by Sycorax my mother,
Which thou takest from me.
Cursed be I that did so!
For I am all the subjects that you have,
Which first was mine own king.
You taught me language; and my profit on’t
Is, I know how to curse. The red plague rid you
For learning me your language.
Caliban, maudissant ceux qui lui ont pris son île et lui ont appris leur langue, passage souvent cité pour illustrer les méfaits de la colonisation, I,2
Misery acquaints a man with strange bed-fellows. Trinculo, II, 1
No use of metal, corn or wine, or oil;
No occupation; all men idle, all;
And women too, but innocent and pure;
No sovereignty;
All things in common nature should produce
Without sweat or endeavour; treason, felony,
Sword, pike, knife, gun, or need of any engine,
Would I not have; but nature should bring forth,
Of its own kind, all foison, all abundance,
To feed my innocent people.
I would with such perfection govern, sir,
To excel the golden age.
Gonzalo, conseiller du roi de Naples Alonso, décrivant son utopie, inspirée de Thomas More, II,1
We are such stuff
As dreams are made on, and our little life
Is rounded with a sleep. Prospero, III, 3
O wonder!
How many goodly creatures are there here!
How beautous mankind is! O brave new world*,
That has such people in’t!
Miranda, découvrant les hommes après avoir grandi dans une île déserte, entre son père, Caliban et Ariel, V,1.
Critiques de la pièce : Myrto Reiss, Armelle Héliot
* Cette expression a bien sûr inspiré le titre du grand livre d’Aldous Huxley, Brave new world, Le meilleur des mondes chez nous.
Au cinéma aussi, The stuff that dreams are made of…
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