Comme une oasis trouvée après des jours à marcher dans le désert, le Starbucks apparaît au voyageur, est-ce un mirage ? Non, il est bien réel… Après tout, on ne peut pas vivre seulement de çay, même si c’est délicieux, un bon grand café américain dans la vieille ville d’Antalya, taille maxi, est un vrai bonheur.
Quand on flâne dans cette vieille ville, Kaleiçi, au-dessus du port antique, on pense à la célèbre phrase de Talleyrand :
« Celui qui n’a pas connu la vie avant la révolution, n’a pas connu la douceur de vivre*. »
Le prince de Bénévent savait de quoi il parlait, né en 1754, il survit à la Révolution, connaît l’Empire, la Restauration et la Monarchie de Juillet, une longue vie de 84 années, couverte d’honneurs, même si Napoléon lui dit un jour : Vous êtes de la merde dans un bas de soie !
Il y a là, à Antalya, en effet, dans un quartier interdit aux voitures, un ensemble de magnifiques villas ottomanes, avec balcons, avancées et patios, vue sur le port et la mer pour certaines, couleurs sépia et pastel, qui donne une idée de ce que pouvait être la vie des notables, bourgeois et seigneurs de la fin de l’empire, dans ce XIXe siècle de sa décadence impossible à arrêter, avant que la Grande Guerre et la révolution ne l’emportent, et qu’Atatürk mette fin en 1922 au sultanat (pouvoir politique) et au califat (pouvoir religieux), pour établir, par le fer et par le sang, la république qu’on connaît aujourd’hui. La vie devait être belle dans ces dernières décennies ottomanes, avant la révolution, pour les maîtres assurément. En tout cas, il fait bon traîner dans la vieille ville, entre les murs de ces demeures presque toutes rénovées maintenant, pour faire place à des hôtels, allant de la pension pour routards au cinq étoiles, en passant par la maison d’hôtes sophistiquée. Le déchet habituel de la société de consommation, avec sa débauche de boutiques à souvenirs et leurs colifichets bon marché, a été limité à une ou deux rues, celles qui descendent vers le port, le reste est tranquille et préservé.
A l’extérieur de la vieille ville, Antalya présente l’aspect d’une cité moderne et dynamique, il y a même un tramway ultramoderne, mais plus on s’éloigne du noyau central, plus on tombe dans des quartiers sans âme et des immeubles quelconques.
* La magnifique phrase de Talleyrand, par son côté paradoxal (après tout on pourrait s’attendre à ce qu’une révolution arrange les choses…), a été reprise dans le titre d’un des premiers films de Bertolucci, celui qui l’a fait connaître : Prima della rivoluzione (Avant la révolution). La citation est donnée explicitement en exergue, dans les premiers plans du film. La révolution française est certes un bon exemple, la révolution russe encore plus sans doute. Quant aux révolutions arabes en cours, l’avenir dira si le mot de Talleyrand conserve sa pertinence.
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