Le génie de la langue

Qu’appelle-t-on le « génie de la langue » ? C’est cette faculté, qu’on ne peut posséder que pour sa langue maternelle, de comprendre de façon immédiate et intuitive comment agencer les mots et les phrases, en douceur, naturellement, sans en détruire l’harmonie.

Pour en donner un exemple, dans toutes ces villes et ces îles du Cap Vert, comme São Nicolau, São Vicente, Santo Antão, etc., le mot saint se dit en portugais parfois são, parfois santo. Ainsi on dit São Nicolau, mais Santo Antão, pourquoi pas ‘São Antão’ aussi ? Pourquoi ce santo, qui sonne plus espagnol ou italien que portugais ? Comme je demandais l’explication à un hôtelier à Ponta do Sol, sur l’île de Santo Antão justement, il me répondait que ‘São Antão’, ça ne marchait pas, « ça ne connectait pas » comme il disait, bref ce n’est pas dans le génie de la langue. Autrement dit, ce qu’un étranger ne peut percevoir, un natif de la langue le perçoit intuitivement.

Un autre exemple le même jour avec une jeune Allemande qui travaille en Mauritanie, en vacances avec son copain au Cap Vert, on évoque Dakar, St Louis, Nouakchott, comment ça a changé, etc. Elle maîtrise parfaitement le français, travaille en français dans un pays francophone, et au détour d’une phrase, elle dit : « c’est un hasard si je suis arrivée là », en prononçant : un nazard, en faisant la liaison. Ce qu’un Français sait d’instinct, à savoir qu’il y a un h aspiré à hasard, et qu’on dit un Hasard, sans liaison, elle ne peut pas le savoir et applique la règle générale, elle parle parfaitement, mais n’a pas le génie de la langue.

Vers le Cap Vert   

De São Nicolau à Santa Luzia    

De Santa Luzia à Säo Vicente       Retrouvailles 

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2 Réponses to “Le génie de la langue”

  1. Hubi Says:

    Je ne suis pas d’accord avec ton interprétation du génie de la langue.

    Pour moi ce génie n’est pas celui du locuteur, qui posséderait le génie de s’exprimer justement ; c’est un génie qui réside dans la langue elle-même, et permettrait à celle-ci d’exprimer ce qui souvent, dans une autre langue, serait inexprimable ; ce qui fait que cette tournure, ce mot, cette structure est parfois repris dans d’autres langues parce que, justement, ces autres langues ne savent pas exprimer ça. Pour utiliser des références qui te sont proches, en terme de famille et, à ce que je vois (veinard !), de voyage, je te propose le terme portugais saudade où nous pressentons des choses qui relèvent du génie de la langue portugaise, que nous devinons mais auxquelles nous n’avons pas accès. De même, à ce que nous sommes convenus d’appeler le grand siècle parce que c’était celui où notre pays était grand, on estimait que le génie de la langue française (c’est-à-dire en fait sa structure, c’est-à dire en fait sa grammaire) l’imposait pour sa clarté et sa précision comme langue diplomatique internationale. J’aurais des choses à dire là-dessus, mais ce serait trop long (regarde ta barre, il y a des troncs flottants dans ces parages) ; je te donnerai seulement comme exemple la décision des Nations Unies sur les territoires de Palestine occupés par Israël : la version anglaise est ambigüe au regard de la version française…

    Le génie de la langue tient souvent dans la brièveté – savoir dire les choses avec une économie de moyens ; mais c’est parfois le contraire : les inuit ont, à ce qu’on dit, 26 mots pour dire « neige ». C’est que la langue inuit sait exprimer ce que les inuit vivent, et naturellement nous n’y avons pas accès – nous ne voyons pas les différences d’état ou de dangerosité entre les différentes neiges dont ils ont l’expérience.
    Mais il repose aussi parfois sur des traits particuliers du peuple qui la parle. Ainsi l’anglais est-il une langue propice à l’humour, car c’est une attitude du peuple anglais et naturellement ils en ont imprégné leur langue. On utilise donc le mot anglais understatement pour caractériser cette retenue qui fait à la fois la saveur d’un jugement et la pudeur des déclarations (Lord Mountbatten déclara, lorsque son navire le Kelly coula en Méditerranée en entraînant la mort de plus de deux cents marins, que « cette journée du 23 octobre fut globalement jugée désagréable » [je cite de mémoire]. Le génie de l’anglais réside donc entre autres dans l’aptitude à parler sérieusement des choses qui ne le sont pas et légèrement des choses graves. Ainsi Jerome Klapka Jerome dit-il de Georges qu’ « il travaille dans une banque où il dort chaque jour de 9 heures à 16 heures, sauf le samedi où on le réveille à midi pour lui dire que sa semaine est finie » [je cite de mémoire].

    Allez, regarde devant toi. Il y a des baleines qui veulent jouer avec ton chien.

  2. Where Israel meets Brazil | Le journal de Joli Rêve Says:

    […] de Belmonte. D’autres se sont ajoutés à la liste du haut, comme l’île de Sal (Cap Vert) et Ouro Preto (Minas […]

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