Verlaine aimait ce poème de Hugo, « La fête chez Thérèse » (Le clair de lune bleu qui baignait l’horizon), il s’en est inspiré pour son « Heure du berger » (Blanche, Vénus émerge, et c’est la nuit), l’horizon est là, même si la Lune est devenue rouge. Hugo lui-même trouve un écho chez Baudelaire, la Lune encore et les « horizons bleuâtres » de « Paysage » (Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité). Trois mots clés qui se renvoient les uns aux autres (bleu, horizon, lune), trois magnifiques poèmes :
Baudelaire, Paysage (extrait)
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l’atelier qui chante et qui bavarde ;
Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et les grands ciels qui font rêver d’éternité.
Il est doux, à travers les brumes, de voir naître
L’étoile dans l’azur, la lampe à la fenêtre,
Les fleuves de charbon monter au firmament
Et la lune verser son pâle enchantement.
Je verrai les printemps, les étés, les automnes ;
Et quand viendra l’hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres
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Victor Hugo, La Fête chez Thérèse (fin)
La nuit vint, tout se tut ; les flambeaux s’éteignirent ;
Dans les bois assombris les sources se plaignirent ;
Le rossignol, caché dans son nid ténébreux,
Chanta comme un poète et comme un amoureux.
Chacun se dispersa sous les profonds feuillages ;
Les folles en riant entraînèrent les sages ;
L’amante s’en alla dans l’ombre avec l’amant ;
Et, troublés comme on l’est en songe, vaguement,
Ils sentaient par degrés se mêler à leur âme,
A leurs discours secrets, à leurs regards de flamme,
A leur coeur, à leurs sens, à leur molle raison,
Le clair de lune bleu qui baignait l’horizon.
***
Verlaine, L’heure du berger
La lune est rouge au brumeux horizon ;
Dans un brouillard qui danse, la prairie
S’endort fumeuse, et la grenouille crie
Par les joncs verts où circule un frisson ;Les fleurs des eaux referment leurs corolles ;
Des peupliers profilent aux lointains,
Droits et serrés, leur spectres incertains ;
Vers les buissons errent les lucioles ;Les chats-huants s’éveillent, et sans bruit
Rament l’air noir avec leurs ailes lourdes,
Et le zénith s’emplit de lueurs sourdes.
Blanche, Vénus émerge, et c’est la Nuit.
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16 mai 2012 à 12:14 |
On pense aussi à Cyrano, s’il s’agit de Lune, et de bleu :
Mon salut balaiera largement le seuil bleu…