L’ICW – Intracoastal waterway – va jusqu’à New York, et même jusqu’au Texas dans le sens Est-Ouest ! De Miami à New York, on peut naviguer au calme, dans un décor citadin, touristique, ou surtout champêtre, sur quelques milliers de km, éviter la mer et ses aléas, notamment le cap Hatteras, fameux pour ses coups de vent soudains.
Dans le coin, entre Fort Lauderdale et Palm Beach, c’est une succession de villas de rêve, de cafés, de petites marinas*, celle de Delray Beach notamment. La marina municipale, en plein centre de cette petite ville touristique, est charmante, on y resté deux jours. Il y a aussi des restaurants sur l’eau où on peut venir avec son bateau, accoster le temps de manger Si les fonds s’y prêtent, car il y a deux à trois mètres au centre du canal, mais ça remonte parfois à un mètre sur les bords. Se méfier aussi des grandes étendues ouvertes, quand le waterway se transforme en lac, c’est là qu’il y a le moins de fond. Il faut impérativement rester dans le chenal, sinon c’est l’échouage garanti. L’IPad avec son GPS et les cartes Navionics est une merveille pour ça, on peut le mettre sur la barre (pas de roulis, pas de tangage, on est sur des eaux toujours plates), et on suit son chemin avec la facilité déconcertante du truc (agrandir, réduire, d’un simple effleurement des doigts). Surveiller le sondeur en permanence quand même.
Il y a les ponts aussi, presque tous levants, avec la VHF connectée tout le temps, dialogue avec les tours de contrôle pour savoir l’heure de levée. Certains sont à l’heure et à la demi-heure, d’autres au quart d’heure et aux trois quarts, normalement, à six noeuds de moyenne, on doit aligner tous les passages. En pratique, difficile à réaliser, il arrive qu’on poirote une demi-heure, à faire des ronds dans l’eau en attendant que ça se lève. Merci à Jake, sans lui, à la VHF, j’avais un peu de mal à me faire comprendre…
Ce à quoi on pense sur le Waterway, devant cette merveille continue, c’est à l’économie du développement. Mon équipier l’a exprimé à un moment, il m’a ôté les mots de la bouche, je souscris totalement :
Quand on songe qu’il y a à peine un siècle, tout ça n’était qu’une suite de marais et de lagunes sauvages et déserts, non connectés, non reliés, ni entre eux ni à la mer, et là on a cette succession de villas de milliardaires, de ponts modernes, de facilités diverses, tout ordonné et agencé à merveille. Et lorsqu’on réalise qu’il y a tant d’endroits dans le monde, où les possibilités sont les mêmes, mais qui sont laissés en friche, à l’abandon, aux moustiques et aux cabanes. Finalement je crois que ce qui fait la différence, c’est la qualité du gouvernement, ayez un bon gouvernement, vous aurez le développement. »
Une simple question de bon sens. Les économistes parleraient plutôt d’institutions, de bonnes institutions, « d’institutions appropriées » (North), à la place de gouvernement, mais ça revient à peu près au même, ils élargissent la notion aux lois, aux mentalités, aux comportements, aux règles implicites, etc. Les écoles tiers-mondistes, structuralistes, dépendantistes, marxistes, en Amérique latine notamment, ont longtemps été chercher l’explication du succès de l’Amérique anglo-saxonne et de l’échec relatif des pays au sud dans l’exploitation dont ceux-ci auraient été victimes, de la part des Etats-Unis. Ce qui est proprement absurde, ce qui sort du bon sens justement, pourquoi est-ce que ce n’est pas le sud qui a exploité le nord, après tout les pays colonisés par les Espagnols et les Portugais avaient un bon siècle d’avance sur les Treize colonies. Non, l’explication réside dans les institutions, des institutions inadaptées au sud, celles léguées par le centralisme et la bureaucratie castillanes, des institutions favorables au progrès économique au nord, celles de l’Angleterre libérale. La même chose s’est passée en Europe, si l’Espagne a décliné après le XVIe siècle, si la Hollande puis l’Angleterre se sont développées, ce n’est certes pas parce que ces deux pays ont exploité les Espagnols… C’est bien une affaire d’institutions.
* Parfois géantes aussi, comme Rybovich, à Palm Beach, seulement pour les bateaux au-dessus de 70 pieds…
Il y a une marina annexe plus loin pour les modestes, avec une navette pour bénéficier des installations super-luxe de la maison mère. Réflexion de Jake encore, « It sounds Russian, Rybovich. All this money, you don’t want to know where it comes from! » Autre remarque, décidément il m’inspire, c’est ma référence aux US, devant la succession de propriétés à dix millions de dollars, pas par dizaines, ni par centaines, mais par milliers : « Never thought there were so many billionaires in this country… »
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9 avril 2018 à 20:12 |
Tres beau récit!
Vous avez mis combien de temps pour
Réaliser votre excursion?
9 avril 2018 à 21:07 |
Merci ! Sur le waterway, entre la Floride et NY, d’avril à juillet 2013.