Mildred Pierce

On l’a tant aimée, Mildred Pierce, dans les années 1970, le livre se passait de main en main, le bouche à oreille le vantait, tout le monde le lisait. Pourtant le roman date de 1941, mais l’histoire de cette femme se débattant dans la crise de 29, montant son affaire de ‘pies’ (tartes) seule, annonçait notre modernité. Les personnages principaux sont des femmes, Mildred et Veda, les hommes sont veules et servent de faire-valoir. James Cain était célèbre pour ses romans noirs, Assurance sur la mort, Le Facteur sonne toujours deux fois, et à la différence de ses contemporains comme Dashiell Hammett ou Raymond Chandler, auteurs de polars ennuyeux « à atmosphère », il écrivait des livres passionnants, des page-turner, avec une histoire prenante, un scénario en béton, pleins de femmes fatales et de crimes machiavéliques. Mais là, avec Mildred Pierce, c’est plutôt un roman social qu’il écrit, héritier de Balzac, un grand roman américain. Du livre on retient surtout l’ascension de Mildred, avec ses restaurants, premiers fast-food, mais plutôt sophistiqués, sa lutte sans merci pour se sortir de la crise. Le reste de l’histoire, les péripéties avec sa fille horrible, Veda, l’enfant gâtée, la pianiste, la cantatrice, les tromperies, les déceptions, sont oubliés avec le temps. Subsiste le personnage de Mildred.

Kate Winslet l’interprète dans la série TV sortie l’an dernier, après Joan Crawford en 1945, elle est magnifique. Le meilleur hommage qu’on puisse lui rendre est que c’est exactement comme ça qu’on l’imaginait, quand on lisait le livre il y a plus de trente ans. C’est comme si on l’avait vue dans le rôle, avant même qu’elle soit née ! Guy Pearce en gigolo brillant est formidable aussi (il faisait un Edward VIII très convaincant dans The King’s Speech), et Veda, Evan Rachel Wood, est glaciale à souhait : un serpent, l’actrice se coule dans le rôle à la perfection. La mise en scène est de Todd Haynes, le réalisateur de Far From Heaven. Sumi Jo, la coloratura soprano coréenne donne sa voix à Veda, dans un air de Lakmé de Léo Delibes notamment :

Où va la jeune Indoue,
Fille des Parias,
Quand la lune se joue
Dans les grands mimosas ?
Elle court sur la mousse
Et ne se souvient pas.

Autres interprétations célèbres, Maria Callas, Natalie Dessay.

Critique du Guardian, critique du Monde des séries. NY Times. Précisions musicales dans un article du LA Times.

In a wonderfully unhinged speech, an Italian music teacher tries to explain Veda to Mildred, who asks if, in effect, he’s saying she’s nourished a viper in her bosom. He replies: « No – is a coloratura soprano, is much worse . . . a coloratura soprano, love nobody but own goddam self . . . All a coloratura crazy for rich pipple . . . [Veda,] I tell you, is snake, is bitch, is coloratura. » The tautological inadequacy (if not the unintentional hilarity) of this « explanation » is presumably Cain’s point: Veda is just a diva, and her malice is as motiveless as Iago’s in Othello – an allusion Cain makes again at story’s end, telling us that Mildred’s only crime was loving Veda not wisely but too well. Unfortunately, this explanation for Veda’s perfidy also has the effect of completely unravelling Cain’s carefully knotted web of social aspiration, maternal ambition and materialism.

Haynes’s film seems conceived as a proto-feminist epic saga about power struggles between mothers and daughters, and a cautionary tale about parents who use their children to live out their own hopes and « terrifying wishes ». But Cain’s novel is far too inconsistent a fable from which to extract such a moral: it starts out as social realism and descends into a surreally gothic melodrama. If he had seen it through, Cain might have produced a female-centred version of The Great Gatsby, a tragedy of America’s corrupt romance with money and success. Instead, it is like a nightmare version of « Snow White », the archetypal story of sexual competition between generations of women, in which Cain can’t decide whether to sympathise with the once-desirable but ageing mother or the beautiful, gifted, powerful daughter. In the end he throws up his hands and makes Veda a « snake, a bitch, a coloratura ». If only she were a lyric soprano, evidently all of this mess might have been avoided. Let it be a lesson to us all.

The Guardian

– Imaginons que vous soyez au zoo. Vous y découvrez un magnifique serpent. […] Est-ce que vous le ramenez à la maison ? Est-ce que vous en faites un animal domestique ? Non, car vous avez du bon sens. C’est la même chose avec Veda. Vous payez votre billet d’entrée, vous observez le serpent, mais vous ne le ramenez pas à la maison.

– Qu’insinuez-vous ? Que ma fille est un serpent ?

– Pire : une soprano colorature. C’est une race à part, comme les chats persans bleus. On n’en rencontre qu’une fois dans une vie. Elle chante sur le fil, staccato, en cadence. Cela demande beaucoup d’efforts. Une vraie colorature apporte plus de texture à un opéra qu’un ténor en personne. Et votre fille est une colorature, de tout son être. Ce nez haut, ces maxillaires… Ce n’est pas une bonne chanteuse. C’est une chanteuse d’exception.

– Oui, c’est une fille merveilleuse.

– Ah non ! La fille, c’est autre chose…

Extrait de l’article de B. Campion

« Époustouflant portrait de femme … Un des meilleurs romans américains du XXe siècle. »

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