Grand Zimbabwe

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Les ruines du Grand Zimbabwe, découvertes en 1871 par l’explorateur allemand Karl Mauch, sont les plus importantes en pierres trouvées en Afrique au sud de l’Égypte et de l’Éthiopie, le mot même de Zimbabwe signifie en shona construction en pierre, elles attestent de la présence d’un puissant royaume ou empire, à l’emplacement du Zimbabwe et du Mozambique actuels, commerçant l’or, l’ivoire et le cuivre avec les cités swahilies sur la côte, notamment les ports de Kilwa et Sofala, et par leur intermédiaire avec les Arabes, les Perses les Indiens, les Indonésiens et les Chinois (faïence, verre et porcelaine retrouvés). Au nord de Kilwa, à la hauteur de Zanzibar et des Grands Lacs africains, on ne trouve par contre aucune trace d’échanges importants avec l’intérieur, conséquence de la présence entre la côte et la région des lacs d’une des zones les plus arides de l’Est africain, et il faudra attendre le XVIIIe siècle pour voir des échanges s’établir.

La ville même était peuplée de plus de 10 000 habitants au XVe siècle. Certains ont cru y voir l’origine du mythique Ophir de la Bible, d’où le roi Salomon tirait son or*, mais les époques sont évidemment très différentes, plus de deux mille ans les séparent… Et la distance exclut évidemment tout rapprochement. Les Portugais quant à eux se crurent un temps arrivés là au royaume mythique du prêtre Jean.
L’or était exploité dans les dépôts alluviaux entre le Zambèze et le Limpopo, mais aussi dans des mines, extrait du roc dans des filons affleurant ou souterrains. Des galeries et des puits étaient creusées pour le travailler, allant jusqu’à 30 m de profondeur, travail effectué le plus souvent par des femmes et des enfants, dans des conditions qu’on peut imaginer. Environ une tonne d’or était exportée chaque année par le royaume. Il sert de moyen d’échange pour obtenir des tissus, des perles de verre, des porcelaines et divers objets manufacturés venant de la côte et au-delà d’Inde, d’Indonésie, de Chine, et des pays arabes ou de la Perse. De nombreux objets retrouvés venant d’Asie, comme les porcelaines, témoignent de l’ampleur des échanges. L’économie repose aussi sur l’agriculture, l’élevage du bétail, des artisanats comme le tissage, la poterie, et le travail du fer avec toute une série d’ustensiles et d’outils.

Cependant l’écriture est inconnue et les traditions, usages et techniques se transmettent oralement. La monnaie sous forme de pièces n’est pas utilisée, il y a peu de marchés et pas de marchands spécialisés, le commerce est surtout un commerce de troc, de village à village. Chacun produit l’essentiel des biens consommés (nourriture, peaux d’animaux pour les vêtements, poterie, paille pour les toits, produits en cuivre et en fer pour la décoration et les outils). La seule source d’énergie réside dans la force humaine, il n’y a pas de moulins ni d’animaux de trait, ni charrue ni chariots, la roue et la poulie ne sont pas connues. Le père Francisco Monclaro, un jésuite portugais observant les mœurs locales au XVIe siècle, fait un compte rendu peu favorable :

Leurs seules maisons sont de petites huttes de paille couvertes d’argile, ressemblant à des colombiers ronds. La terre est stérile dans l’ensemble, mais sa stérilité n’égale pas leur paresse, car même dans les plaines bien arrosées, qu’ils appellent antevaras, ils sèment très peu, et si l’un d’entre eux est plus diligent et un meilleur laboureur, et donc obtient une meilleure récolte de millet et a de plus grandes réserves, ils l’accusent immédiatement faussement de toutes sortes de crimes, comme excuse pour lui prendre sa production et la manger, s’indignant qu’il puisse avoir plus de millet que les autres, n’attribuant jamais cela à sa plus grande industrie ou son travail ; et souvent ils le tuent et terminent avec ses provisions.

C’est la même chose avec le bétail, ce qui est à l’origine des pénuries. Ils ne sont pas prévoyants, mais gaspillent et consomment rapidement les nouvelles récoltes en fêtes et beuveries. Ils n’utilisent aucun animal de labour, et pour cette raison nombre d’entre eux qui sont venus à Sena, où nous étions, ont montré beaucoup de surprise et ont ri franchement quand ils ont vu le bœuf et la charrue, ou les chariots d’attelage pleins de pierre pour le fort. Ils creusent la terre avec de petites houes, et dans les sillons et petites tranchées jettent le millet ou d’autres semences qu’ils doivent semer et les recouvrent légèrement de terre, ce qui donne une bonne récolte.

La citadelle a été construite à partir de 1300 de notre ère, à la même époque que les cathédrales en Europe, les murs de granit, sans mortier, atteignent dix mètres de hauteur. On a dénombré 900 000 grands blocs de granit dans la construction. Plusieurs générations, comme pour les cathédrales, ont contribué à son édification. Les collines environnantes fournissent des blocs de pierres, qui ont été taillées pour le site. Il s’agit de la plus grande structure architecturale de l’Afrique subsaharienne. Elle abrite les logements du roi, et relève plus du prestige que d’une entreprise de défense comme les châteaux médiévaux en Europe construits pour soutenir des sièges. Les activités des sujets sont l’agriculture et l’élevage, dans une région fertile, ainsi que la chasse avec une abondance de gibier alentour. La richesse du royaume tient d’ailleurs plus à l’élevage du bétail qu’à l’extraction et la vente de l’or, sur un plateau à l’abri de la maladie du tsé-tsé avec des conditions de pâturage idéales, dans une zone verdoyante. Le type d’exploitation porte plus sur la viande et sa consommation que sur les produits laitiers, et cette consommation est complétée par la production de céréales et de légumes des agriculteurs.

Le site a été abandonné à la fin du XVe siècle, à cause de l’appauvrissement progressif des sols et la déforestation, et aussi l’épuisement des mines d’or, et les Shonas se sont déplacés pour former les royaumes de Torwa (250 km à l’ouest) et Mutapa (400 km au nord du Grand Zimbabwe). Ce dernier, ou Monomotapa**, a connu une renommée mondiale. Fondé vers 1420, il devient le plus puissant royaume shona du XVe au début du XVIIe siècle, avec une armée capable de prélever les tributs sur les villages environnants. Les paysans sont aussi des mineurs, en ce sens que les sources aurifères abondent dans la région, et ils le prélèvent dans les cours d’eau selon les méthodes de filtrage. L’or est versé au roi qui l’utilise dans les échanges avec les cités swahilies, pour faire venir les biens de luxe et les étoffes pour la cour. Les Arabes parlent à l’époque des « prairies d’or » de ces royaumes. A la fin du XVIe siècle, en 1571 et 1574, les Portugais depuis la côte lancent les premières expéditions européennes vers l’intérieur de l’Afrique orientale. Le but est de s’emparer des richesses, et notamment de l’or, du Monomotapa, mais les conditions hostiles et la résistance locale feront échouer l’opération, le Monomotapa restera hors d’atteinte jusqu’au XVIIe siècle, où il deviendra finalement en 1629 un État vassal des comptoirs portugais de la côte.

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Porte nord, dessin de Basil Davidson

* Thème exploité dans la littérature au XIXe siècle (et par le cinéma au XXe) avec Les mines du roi Salomon, roman de Henry Rider Haggard.
** Les Portugais ont appelé cet empire Monomotapa, d’après Mwene Mutapa, ou Seigneur du pays, le titre donné au monarque.

Le Grand Zimbabwe sur Wikipédia.
Photos sur CNN.
Un article du Monde.

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