Il a d’abord fallu préparer le bateau, le sortir de l’eau à Hurricane cove, en traversant le downtown Miami, au milieu des gratte-ciel, avec une douzaine de ponts à passer. Faire la peinture de la coque (antifouling), le polishing, réparer le safran (plein d’eau), changer les joints du saildrive, changer la pompe à eau, changer le moteur des toilettes, etc. Puis l’électronique, nouveau pilote automatique, nouveau plotter GPS Raymarine, les instruments ayant été probablement grillés au mouillage lors d’un orage, par le contrecoup d’un éclair… Tout ça a pris plus d’un mois jusqu’en avril.
Pour ramener le bateau en Europe, il faut profiter du printemps dans l’Atlantique nord. Au lieu de partir en décembre pour la traversée des alizés, dans l’autre sens, sous les latitudes tropicales, il faut prévoir un départ fin avril, les deux mois les plus favorables étant mai et juin. Le départ a lieu finalement le 27 avril de Miami, le 30 à Palm Beach pour aller aux Bermudes en six jours (30 avril-5 mai), puis le 21 mai des Bermudes pour les Açores (21 mai-5 juin), enfin le 19 juin pour le Portugal, arrivée le 25 à Lisbonne, une semaine exactement, lundi matin au dimanche soir. En tout deux mois, du 27 avril au 25 juin : 6 jours, 16 jours, 7 jours respectivement pour les trois tronçons, et deux escales de deux semaines chacune aux Bermudes et aux Açores. Avec une échappée d’une semaine à Montréal au milieu du séjour aux Bermudes (billets d’avion pas cher par NY).
Neptune a été clément, des vents au maximum de 25-27 nœuds, et dans l’ensemble favorables, même s’il y a eu pas mal de près, avec seulement deux à trois jours carrément déprimants de vent exactement dans le nez, où on n’avance pas du tout. Sur des traversées aussi longues, bien qu’on emporte des réserves de fuel en jerrycans, un voilier ne peut utiliser son moteur par vent contraire. Pour deux raisons, la première étant qu’il n’y a de toute façon pas assez de réserves (on ne peut prévoir au maximum que quatre à cinq jours de moteur), la deuxième étant qu’on ne peut l’utiliser que sur une mer calme, par vent de face, mer formée, avec les vagues qui tapent le bateau, on n’avancerait guère au moteur et la vie à bord deviendrait épouvantable, alors même qu’au près, avec la gîte et les vagues, elle devient déjà extrêmement difficile (pour dormir, pour faire la cuisine, pour se déplacer, etc.).
Départ des Bermudes le 21 mai, photo de Elin Bergman sur Adventure of Stockholm :
Partis pour naviguer ensemble, on se perd de vue dès le premier jour, dernière photo de Elin :
Quant au temps clair, dégagé, les nuits étoilées, sous la lune, le soleil le jour, les conditions ont été bonnes sur le premier tronçon, déprimantes sur le second (temps bouché, pluie), excellentes sur le dernier en juin, entre les Açores et le Portugal. L’Atlantique peut se transformer en lac en cette saison, dès que le vent tombe, une mer d’huile, ce qui est arrivé à deux reprises, les derniers jours pour arriver aux Açores, et la moitié du trajet vers le Portugal, le moteur est alors indispensable, pour ne pas rester scotché au même endroit pendant des jours.
Dans la traversée dans l’autre sens, des Canaries aux Antilles – ou des îles du Cap Vert aux Antilles -, les conditions sont plus clémentes, vent arrière ou trois-quarts arrière et temps doux, régularité assurée, 15-20 nœuds en permanence, pas de risque de tempête (à la différence du retour, dans l’Atlantique nord), mais la mer est toujours agitée, jamais une période de calme plat, d’océan devenu un lac à perte de vue avec seulement la grande houle qui vous soulève, mais au contraire une mer croisée et brouillonne à laquelle il faut s’habituer pour la vie à bord. La raison est sans doute double, d’abord les alizés ne cessent jamais, le vent lève toujours la mer ; ensuite c’est l’hiver dans l’Atlantique nord, et donc les tempêtes et les coups de vent se répercutent vers le sud, jusqu’aux latitudes tropicales. Deux traversées, deux expériences totalement différentes, l’une facile et sûre sous les tropiques en décembre, l’autre compliquée et comportant des risques plus élevés dans la zone tempérée en mai/juin. Mais il y a aussi le Gulf Stream, au début surtout, vers les Bermudes, qui vous donne un sacré coup de boutoir, parfois du 8-9 nœuds, au lieu du 5-6 dans les meilleures conditions.
Premier trajet, Miami-Bermudes, 950 milles nautiques (carte OpenCPN) :
Traversée principale, Bermudes-Açores, 1800 milles (carte Navionics, IPad) :
Dernier tronçon, Açores-Portugal, 850 milles :
Itinéraire et escales sur Google Maps.
Des vidéos et plus de la traversée, sur le superbe blog de mon équipière, Susan Sobczak.
Une anecdote, entre les Bermudes et les Açores. Une nuit, pluie, froid, ciel bas, mais vent normal, tellement marre d’avoir froid et d’être trempé, je rentre à l’intérieur et je m’affale tout habillé, tout équipé, dans le carré. Soudain j’entends Susan qui me secoue, effarée, elle mettait le réveil pour son quart, donc se levait seule : « Hey, Jacques, I found you sound asleep! Look at the AIS, boats around! » Plus de peur que de mal heureusement. Pas recommencé…
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