Navegare necesse est, vivere non est necesse

Fernando Pessoa, par Almada Negreiros, 1954

Une citation de Pompée le Grand (-106/-48), devenue célèbre au Portugal et au Brésil. Dans la langue de Camões, elle est la suivante : Navegar é preciso, viver não é preciso (Naviguer est nécessaire, vivre n’est pas nécessaire), une phrase énigmatique qui a une longue histoire, mêlant les auteurs anciens et modernes, tels Plutarque, Pétrarque, Fernando Pessoa et finalement Caetano Veloso, chanteur/compositeur brésilien actuel. La ligue hanséatique, ou Hanse, du Moyen Âge et les découvertes portugaises du XVe siècle font aussi partie de cette histoire.

Tout commence à Rome, comme souvent. Pompée s’est couvert de gloire en Hispanie (-72), et particulièrement en Lusitanie, contre Sertorius, un général romain allié de Marius, dans la guerre civile contre Sylla, puis de retour à Rome contre les esclaves révoltés de Spartacus, où il aide Crassus à en venir à bout (-71), mais surtout en nettoyant la Méditerranée des pirates qui menaçaient l’approvisionnement de la Ville. En trois mois, avec 120 000 hommes et 500 navires de guerre, soit l’équivalent de vingt légions, il les pourchasse jusqu’en Cilicie (sud de la Turquie actuelle), et c’est à cette occasion qu’il lance la fameuse formule, pour convaincre les marins craignant l’aventure, Naviguer est nécessaire, vivre ne l’est pas, car la survie de Rome en dépend. C’est ce que relate Plutarque (46-125) dans sa Vie de Pompée.

Pétrarque (1304-1374) reprend la formule plus de mille ans après, avec un sens différent : la navigation est une science exacte, précise, la vie ne l’est pas, elle est sujette à l’imprévu, au hasard : « la navigation est précise, en comparaison de la vie, on sait quand elle commence, jamais quand elle finit. » La Hanse, fondée au XIIIe siècle, a repris la formule antique comme devise, celle de Pompée. Et l’école de Sagres, d’Henri le navigateur, également.

Fernando Pessoa (1888-1935) a rendu l’expression populaire dans un poème célèbre (Navegar é Preciso), et en lui donnant un sens différent, Créer est nécessaire, vivre vient après :

Navegadores antigos tinham uma frase gloriosa:
« Navegar é preciso; viver não é preciso ».
Quero para mim o espírito desta frase,
transformada a forma para a casar como eu sou:
Viver não é necessário; o que é necessário é criar.
Não conto gozar a minha vida; nem em gozá-la penso.
Só quero torná-la grande,
ainda que para isso tenha de ser o meu corpo
e a minha alma a lenha desse fogo.
Só quero torná-la de toda a humanidade;
ainda que para isso tenha de a perder como minha.
Cada vez mais assim penso.
Cada vez mais ponho da essência anímica do meu sangue
o propósito impessoal de engrandecer a pátria e contribuir
para a evolução da humanidade.
É a forma que em mim tomou o misticismo da nossa Raça.

Enfin, Caetano Veloso, dans sa chanson Les Argonautes, référence aux marins de Jason cherchant en mer Noire la Toison d’or, reprend la formule en refrain :

O barco, meu coração não aguenta
Tanta tormenta, alegria
Meu coração não contenta
O dia, o marco, meu coração
O porto, não
Navegar é preciso
Viver não é preciso
Navegar é preciso
Viver não é preciso
O barco, noite no teu, tão bonito
Sorriso solto, perdido
Horizonte, madrugada
O riso, o arco da madrugada
O porto, nada
Navegar é preciso
Viver não é preciso
Navegar é preciso
Viver não é preciso
O barco, o automóvel brilhante
O trilho solto, o barulho
Do meu dente…

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2 Réponses to “Navegare necesse est, vivere non est necesse”

  1. JB Says:

  2. JB Says:

    https://www.recantodasletras.com.br/resenhas/4753015

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