En Vendée il y a l’Historial et le Mémorial, près de la Roche sur Yon, le premier couvre toute l’histoire de la région, depuis les origines préhistoriques, le second est une sorte de mausolée consacré aux victimes des guerres sous la Révolution – notamment la tuerie des Lucs (564 personnes massacrées sans raison, dont plus de 120 enfants de moins de dix ans, même des nourrissons) perpétrée par une colonne infernale des Bleus (les Républicains). Mais ce n’est pas le seul massacre, on estime à 150 000 personnes le nombre de tués, d’octobre 93 à mai 94, dans toute la région au sud de la Loire, soit près d’un quart de la population. Alors même que le soulèvement armé était écrasé dès décembre 1793, les exécutions continueront cinq mois, sans aucune justification militaire, sur une population sans défense. La Terreur d’Etat, au nom du progrès et du bonheur des peuples.
Soljenitsyne a inauguré le monument.
Les réfractaires, emmenés par les soldats de la République, mars 1793, un des facteurs à l’origine de l’insurrection. Tableau de Julien Le Blant, 1894.
Hubert-Sauzeau peint ici en 1900 des insurgés qui demandent à Jacques Cathelineau, voiturier-colporteur, de prendre la tête du mouvement, en mars 1793. Il sera tué à Nantes quatre mois après.
Messe des morts dans le Morbihan, clandestine, Vendémiaire an II, par Charles Coëssin de la Fosse, vers 1880.
Scène bretonne, messe en mer, Alphonse de Boisricheux, 1838.
Messe dans les bois, Bas-Maine, Boisricheux, 1842
Henri de La Rochejaquelein et le prince de Talmont campant à Mayenne, avec Jean Chouan, vu de dos, novembre 1793, pendant la Virée de Galerne, avant l’attaque de Granville. Tableau de Lucien de Latouche, 1864.
Les trois frères de La Rochejaquelein, Henri (1772-1794), Louis (1777-1815) et Auguste (1784-1868) ont tous participé aux guerres de Vendée, seul le dernier a survécu. Il s’est rallié à Napoléon et a participé à la campagne de Russie.
Marie-Louise-Victoire, marquise de La Rochejaquelein, née en 1772 et morte en 1857, a traversé toute cette période terrible, en a réchappé de peu, sa vie est extraordinaire. Elle a publié ses Mémoires, témoignage de l’épopée vendéenne.
Le tableau de Pierre-Narcisse Guérin d’Henri de La Rochejaquelein est sans doute le plus emblématique de l’insurrection vendéenne :
Interrogation du prince de Talmont à Rennes, par le tribunal révolutionnaire, le 2 janvier 1794, il sera guillotiné le 31. Tableau de Jules-Benoît Lévy, 1895.
L’attaque sur Granville par les Vendéens, novembre 1793, épisode de la Virée de Galerne, pour disposer d’un port où les émigrés venus d’Angleterre pourraient débarquer et les aider. C’est une défaite, les habitants défendent la ville avec l’aide des républicains, il n’y aura plus de victoire de l’insurrection, écrasée peu après.
Tableau de Jean-François Hue, 1800.
Après une défaite. Evariste Carpentier, 1883
Du même, Une embuscade, 1889 :
La mort de Bara (ou Barra), jeune tambour de 14 ans, héros de la République, tué dans une escarmouche par les Vendéens, tableau de Charles Moreau-Vauthier en 1880. Il fait l’objet d’un culte républicain, lancé par Robespierre, durant l’an II.
Pour finir, Fontenay le Comte à l’époque, vers 1810, et un paysage vendéen (anonymes).
Reste à relire les grands classiques sur la période, Les Chouans, de Balzac, et Quatrevingt-treize, de Hugo. Ou encore Le Chevalier Des Touches, de Barbey d’Aurevilly :
— Et si je vous parle ainsi de cette femme, monsieur de Fierdrap, reprit mademoiselle de Percy, si je m’arrête un instant sur cette créature qui était peut-être une scélérate, mais qui ce jour-là eut aussi, comme les Douze, sa grandeur, c’est que cette femme fut la cause unique du malheur des Douze dans cette première expédition. Sans elle, et sans elle seule, notez bien ce mot-là, pas le moindre doute que les Douze, qui mirent si effroyablement Avranches sens dessus dessous, dans ce jour dont on se souviendra longtemps, n’eussent repris le chevalier Des Touches ! Pour moi, je le pense, ils auraient réussi. Mais elle leur opposa une volonté aussi forte que ces murailles de la prison qui étaient des blocs de granit. Vinel-Aunis avait essayé de l’enivrer, il essaya de la corrompre. Il s’y prit avec elle comme on s’y prend avec tous les geôliers de la terre depuis qu’il y a des geôliers ; mais il trouva une âme imprenable parce qu’elle était gardée par la haine, et la plus implacable et la plus indestructible des haines, celle qui est faite avec de l’amour.
La Hocson avait eu son fils tué par les chouans ; non pas tué au combat, mais après le combat, comme on tue souvent dans les guerres civiles, en ajoutant à la mort des recherches de cruauté qui sont des vengeances ou des représailles. Tombé dans une embuscade, après une chaude affaire, où les Bleus avaient couché par terre beaucoup de chouans, car ils avaient avec eux une pièce de canon, ce jeune homme avait été enterré vivant, lui vingt-quatrième, jusqu’à cet endroit du cou qu’on appelait dans ce temps-là la place du collier de la guillotine. Quand ils virent ces vingt-quatre têtes, sortant du sol, emmanchées de leurs cous, et se dressant comme des quilles vivantes, les chouans eurent l’idée horrible de faire une partie de ces quilles-là avant de quitter le champ de bataille et de les abattre à coups de boulets ! Lancé par leurs mains frénétiques, le boulet, à chaque heurt contre ces visages qui criaient quartier, les fracassait en détail…, et se rougissait de leur sang pour revenir les en tacher encore. C’est ainsi que le fils Hocson avait péri. Sa mère, qui avait su cette mort atroce, avait à peine pleuré ;… mais elle nourrissait pour les chouans une haine contre laquelle tout devait se briser,… et Vinel-Aunis s’y brisa.
— Ah ! lui dit-elle, tu m’as donc gouaillée ! Tu n’es qu’un chouan, et tu viens pour le prisonnier. Oh ! je n’ai pas peur que tu me tues ; — il avait pris un pistolet sous sa vareuse, il y a longtemps que je désire la mort. Petiote ! cria-t-elle, va vite au corps-de-garde me chercher les Bleus !
— Je l’aurais bien tuée, nous dit Vinel-Aunis, mais je ne savais pas même dans laquelle des tours était Des Touches. Cela aurait fait du bruit. J’aurais perdu du temps.
— Et il jeta un escabeau, qui se trouvait là, dans les jambes de la petite pour l’empêcher de sortir, en la faisant tomber.
Mais le temps de son mouvement avait suffi à la Hocson pour s’échapper par un couloir noir comme de l’encre, où Vinel-Aunis se perdit pendant qu’il l’entendait grimper quatre à quatre l’escalier d’une des tours, ouvrir la porte de la prison et s’y enfermer à la clef avec le prisonnier.
— Diable ! fit M. de Fierdrap.
— Peste ! dit l’abbé.
Staline, Hugo et la Révolution :
Mais autant Gauvain illustre la République dans sa magnanimité, sa fraternité, autant Cimourdain est la face noire, inflexible de la Révolution, pour reprendre une expression de Hugo « la ligne droite qui ne connaît pas la courbe », ce qui signifie qu’il ne veut pas connaître l’humain, ses sentiments ; il poursuit un idéal de justice impitoyable. Simon Sebag Montefiore dans son ouvrage Le Jeune Staline, affirme que celui-ci aurait lu Quatrevingt-treize dans sa version traduite en russe, éprouvant beaucoup d’admiration pour le personnage de Cimourdain le révolutionnaire inflexible.
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11 février 2023 à 13:01 |
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