Archive for the ‘Claude Farrère’ Category

Au bon temps de la canonnière

20 mai 2011

Comment on matait une révolte à la Belle Époque, qui est aussi la belle époque de la colonisation. Les guerres d’Indochine puis du Vietnam ont des racines anciennes, comme le montre ce récit de Claude Farrère dans Les Civilisés, l’écrasement d’un soulèvement au Tonkin, en 1900, à l’apogée de l’impérialisme occidental. Le témoignage est intéressant parce qu’il ne s’agit pas d’un roman historique comme on en a fait tant depuis, mais de quelqu’un qui parle de son temps, et qui a vécu sur place la situation. On peut trouver le style précieux, daté, emphatique parfois, mais Farrère offre un gros avantage : son récit est authentique, il parle de ce qu’il voit directement. S’il s’agit bien d’un roman, c’est un roman des années 1900, qui a eu un des premiers Goncourt. Les débats ont porté à l’époque sur le fait de savoir si l’auteur faisait une critique du colonialisme ou non, ce récit incite à penser que oui, malgré le fait que l’auteur ait toujours été un conservateur.

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Supplices

14 mai 2011

Les années 1900 sont aussi l’époque où les supplices chinois entrent en force dans les clichés et l’imaginaire occidentaux, en témoigne par exemple le succès du livre d’Octave Mirbeau, Le jardin des supplices, paru en 1899. La pratique japonaise du Hara Kiri également. En tout cas, Claude Farrère illustre ces deux thèmes dans son roman, La Bataille (1911). Le second avec l’officier Hirata, qui a survécu à l’affrontement avec les Russes, et qui va s’ouvrir le ventre pour préserver son honneur, laver la faute qui a consisté à mettre en doute le patriotisme et l’attachement aux valeurs traditionnelles de son collègue et ex-ami Yorisaka (voir ici). La victoire étant totalement acquise pour le Japon, il met fin à ses jours en toute tranquillité, l’empereur pouvant se passer de ses services.

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Une cervelle européenne

12 mai 2011

La bataille de Tsushima en mai 1905, où la marine japonaise détruit la flotte de Nicolas II venue de la Baltique dans un quasi tour du monde, a été un coup de tonnerre à l’échelle mondiale, comparable au 11 septembre 2001 ou à l’assassinat de Kennedy le 22 novembre 1963. Un tournant historique annonçant la fin de l’impérialisme de l’homme blanc. Pour la première fois, un peuple non européen donne un coup d’arrêt retentissant à cet expansionnisme. Même s’il s’agit du heurt de deux impérialismes, le russe et le japonais, voulant tous deux contrôler la Corée. C’est aussi la plus grande bataille navale depuis un siècle, depuis Trafalgar. Elle changera définitivement les esprits dans le monde et sera le catalyseur de la décolonisation, qui prendra cependant encore un demi-siècle.

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Érotisme 1900

1 mars 2011


Teodor Axentowicz

Dans un prix Goncourt à l’époque, celui de Claude Farrère en 1905, Les Civilisés, la sensualité procédait par évocation, on ne disait pas directement les choses, sauf dans les livres sous le manteau, non publiés, comme ceux de Pierre Louÿs, grand ami de Farrère justement. Deux passages qui évoquent très bien l’art de l’écrivain en ce domaine. Le premier sur les nuits de Saigon, la douceur tropicale, propice aux épanchements. Le second, un peu plus poussé, dans une calèche…

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Panique

6 janvier 2011

A la fin de son deuxième roman, Les Civilisés, prix Goncourt 1905*, Claude Farrère décrit de façon hallucinante, digne de Hugo, le torpillage d’un bateau de guerre, et la panique qui s’ensuit dans la salle des machines. L’écrivain est officier de marine, il sait de quoi il parle.
Il recevra l’annonce de son prix en Méditerranée, à bord du cuirassé Saint-Louis où il sert, au grand étonnement de son commandant et de ses camarades. Charles Bargone (vrai nom de Farrère) raconte comment il apprend la nouvelle dans une lettre à Pierre Louÿs (8 décembre 1905) :  « A minuit passé nous étions encore en pleine mer. J’accomplissais mon septième rob de bridge, quand un timonier de la TSF me remit un télégramme du Suffren : un des aides de camp, averti par Toulon, me transmettait la nouvelle. » 

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Claude Farrère et Atatürk

4 janvier 2011

Jean-Paul Roux, dans son Petite Planète sur la Turquie, fait appel à la littérature, pour évoquer les liens avec la France :

Le goût du XVIIe pour les turqueries offre de nombreuses ressources. Scudéry et sa soeur font paraître un roman à succès, Ibrahim ou l’illustre Bassa ; Rotrou fait parler turc un des ses personnages ; Lulli offre à la cour un Récit turquesque ; Racine prétend étudier dans Bajazet les intrigues du sérail ; Molière invente son « grand Mamamouchi ». On se garde néanmoins de rappeler que François Ier souleva un immense scandale (lors de son alliance avec Soliman le magnifique) ; que Scudéry révéla une Turquie de fantaisie ; que Bajazet ne fut qu’un prétexte; Le Bourgeois gentilhomme une moquerie. Et puis il y eut Lamartine, Loti, Claude Farrère ! Avec ces grands turcophiles, on se sent plus tranquille.

Curieuse coïncidence, Claude Farrère ! Pour quelqu’un qui habite avenue Claude Farrère… En outre, il s’agit d’un marin, auteur de nombreux romans et d’une histoire de la marine française.  Marin et Académicien, battant Paul Claudel sur le fil en 1935. Claude Farrère s’est rendu souvent en Turquie, on le voit ici à Izmit, avec Mustapha Kemal, en 1922, en pleine guerre d’indépendance. Il a une rue à Istanbul, Klodfarer caddesi, à côté de celle de Pierre Loti (Piyer Loti) près de Sainte Sophie. Alain Quella-Villéger, dans la seule biographie sur Farrère*, décrit cette rencontre (p. 237-240):

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Toulon

8 août 2010

Quand il y a le feu à Toulon, on doit prendre le téléphérique pour aller au Mont Faron, la route est fermée. De là on voit, vers l’est, au premier plan le massif du Faron, au second le Mont des oiseaux, au troisième le tombolo de Giens et la presqu’île, et au quatrième Porquerolles ; et devant, la rade, avec au centre le Mistral et le Charles De Gaulle.

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